Zéno BIANU & André VELTER

Prendre feu

Gallimard, 2013

Aimantation ou effraction ? Les noms changent, la source demeure. Nous cherchons un rythme, obstinément, un rythme pour habiter entièrement la vie. Un rythme tendre, sauvage, dense et volubile pour nous ouvrir aux confins de la terre et des ciels. Nous cherchons sans répit notre la, notre musique centrale. Entre cape et muleta, ombre et épée – debout sur l’univers. Avec, toujours, ce désir d’espace, ce désir entêtant d’aller voir si certains lieux parlent plus juste, s’ils chantent, s’ils transfigurent.

Question de tempérament,
De cœur à l’outrage,
Et le démon de midi
S’en vient risquer sa peau.

Il tient la lumière par les épaules,
Écrase quelques serpents noirs,
Crache des échelles de braises –
C’est la panique au paradis.

PARCOURS CRITIQUE

Prendre feu, un très beau livre de Zéno Bianu et André Velter. Parcours de poésie. Références parfaites. Lorca, Vaché, Daumal.
Pierre Bergé / Tweet du 5 mars 2013

« Là-bas, dehors, il fait un tel bruit que l’on n’entend plus rêver les âmes des  morts.» Alors deux voix, celle de Zéno Bianu et celle d’André Velter, ont décidé de n’en faire qu’une dans  Prendre feu. Ce livre comporte un manifeste suivi de poèmes qui ne sont  pas signés de l’un ou l’autre nom, mais lancés en partage. Il débute en  invoquant le grand Cinq heures du soir de Lorca. Il  fait appel à ceux, peintres, poètes, « grands déboussoleurs » qui ouvrent « une brèche dans l’écoulement du temps  », ceux qui, « hauts veilleurs » tel Héraclite, découvrent « le feu comme principe premier  ».
Françoise Han / Les Lettres françaises, 7 mars 2013

Laissez-vous réduire en cendres dans le brasier de cette œuvre plurielle et cependant singulière que seuls pouvaient oser deux êtres « solitaires solidaires » pour qui la poésie est « l’oubli de la mort dans la vie ».
Yanny Hureaux / L’Ardennais, 7 mars 2013

Zéno Bianu et André Velter crient pour nous l’urgence du réveil. Car il s’agit dans ce manifeste de nous faire revenir au frottement du silex,  « au feu de l’arbre intérieur » aurait dit Michel Camus. Il s’agit de prendre risque, de se défaire de certaines idées qui nous enferment et de vivre. C’est tout le sens de cette partition à deux mains où l’on entend le bruit devenir silence, le feu déjà nommé, devenir prière  et notre corps ainsi transfiguré par la matière, devenir poussière et cendres réparties aux quatre coins du monde . Un voyage ardent que je vous laisse découvrir  en compagnie de René Daumal, Paul Celan, Milarépa, Gérard de Nerval …tout près des « immobilités bleues » de Rimbaud, des « champs magnétiques » de Breton comme du  lingam  de Gudimalam. Oui, il y a quelque chose là-bas qui brûle, quelque chose qui risque bien de nous faire prendre feu et flamme pour la Vie. C’est beau et c’est à lire, pour l’urgence d’aimer comme l’amour aime.
Brigitte Maillard / Monde en Poésie, 10 mars 2013

S’embraser à nouveau grâce à la puissance des mots. Somptueuse révolution à laquelle nous convient les poètes Zéno Bianu et André Velter dans leur manifeste, en vers et en prose, Prendre feu. Salutaire.
Oriane Jeancourt Galignani / Transfuge, avril 2013

Non pas mettre le feu, non pas tout brûler, non pas tout réduire en cendres, non. Prendre feu n’est pas une injonction de mort, il ne s’agit pas d’autodestruction, il ne s’agit pas d’une promesse d’enfer, bien au contraire. C’est un dessein de vie, de création, un manifeste élaboré à quatre mains, celles de Zéno Bianu et André Velter, quitte à semer « la panique au paradis ». Pour le meilleur. Ils appellent à l’invention « d’une langue ondoyante et directe qui tienne de l’ange et du franc-tireur. »
Zoé Balthus / Blog du 31 mars 2013

Prendre feu de Zéno Bianu et André Velter – livre de salubrité publique -, est un livre manifeste pour la vie, l’infini intérieur, ses hautes sphères spirituelles, l’enchantement ou réenchantement du monde : invitation au merveilleux et apologie de l’amour et de la création.
Franck Médioni / Jazzistiques / France Musique, 24 avril 2013

Prendre feu, dont je n’hésite pas à dire qu’il s’agit à mes yeux d’un événement, d’une irruption en ces temps moroses de crise et de « déception froide », d’une orchestration de la démesure joyeuse, conquérante, revendiquée comme accession à « plus de ciel » et plus d’inouï dans l’écriture. Zéno Bianu et André Velter, les coauteurs de l’ouvrage, nous envoient une lettre. Réminiscence à l’évidence de celle du Voyant, c’est ici celle du Veillant – car il importe de veiller au grain du langage à mûrir – et plus encore de l’Émerveillant. Car il ne s’agit pas le moins du monde d’en mettre plein la vue, mais de tirer la vue plus loin que le possible. S’il était besoin de prouver que la poésie est une énergie renouvelable, on le constaterait ici, avec ce volume qui a valeur de contre-feu érigé face à tous les prédicateurs de l’impuissance et du renoncement. (…) Zéno Bianu et André Velter, dans cette gerbe flamboyante de pensée-criée, ne demandent pas n’importe quoi. Ils demandent tout. Ce tout dont seule la poésie peut composer la mosaïque.
Charles Dobzynski / Europe n° 1009, mai 2013

Prenons feu comme nous le proposent Zéno Bianu et André Velter qui se sont associés pour nous donner un petit livre roboratif qui a le grand mérite de décréter l’ajournement de la bêtise rampante.
Jean-Claude Pirotte / Lire, juin 2013

Zéno Bianu et André Velter commettent ensemble un livre, Prendre feu (Gallimard) un régal, au point même, tant l’osmose prend corps, qu’on ne sait même plus qui à écrit quoi. Un manifeste, oui, mais des utopies essentielles et de la fraternité.
Jean-Pierre Lesieur / Comme en Poésie n°54, juin 2013

Appel à l’insurrection poétique
En d’autres temps, en d’autres lieux ce livre aurait mis le feu. Pensez donc, deux des meilleurs poètes de leur génération s’unissent pour produire un manifeste insurrectionnel ! O certes, il ne s’agit pas d’une incitation à l’insurrection sociale, ni d’un remake du célèbre Indignez-vous qui, lui, mit effectivement le feu, paix aux cendres de son auteur. Non, ce que proposent André Velter et Zéno Bianu dans cette longue diatribe inspirée c’est une révolution intérieure et une révolution simultanée des attitudes, lesquelles ne sauraient rester sans conséquences sociales mais ceci est une autre affaire.

Ce texte est placé sous l’égide de Federico Garcia Lorca et du Duende, ce moment de pleine intensité de vie et de son risque vécu, recherché même. « Ce qui compte à nos âmes, plus qu’à nos yeux, c’est le décompte à vivre, la chorégraphie vacillante et cambrée où chaque seconde frémit de la nuque au talon ». Mais il n’est pas ici question de tauromachie, même s’il est évident que nos auteurs comprennent celle-ci en profondeur, c’est son esprit qui est convoqué. Si le texte débute par « Il est cinq heures du soir » c’est en référence au premier vers de « La blessure et la mort » de Lorca mais c’est surtout qu’il est cinq heures du soir pour notre civilisation. Les teintes de l’apocalypse n’ont pas encore envahit le ciel mais elles s’approchent, c’est l’heure des choix décisifs, des grands retournements, ceux auxquels nous appellent Bianu et Velter. « L’extrême lointain n’est plus seulement géographique. C’est un embarquement cyclique vers nos profondeurs, vers d’infinis commencements, à l’image d’une vie qui ne s’établirait jamais, d’une vie tourbillonnante, au dévers des échéances, en embuscade de tous les possibles. Et ce pilotage interne exige de se dépouiller des accumulations du passé, de se vivre et revivre comme un être neuf dans un instant d’ébouriffante et joyeuse captation, où la conscience de la réalité vivante se fait toujours plus aigue ».

Lorca n’est pas isolé dans le jardin de nos poètes. On y retrouve pêle-mêle Rimbaud, Artaud, Nerval, Van Gogh, Chet Baker, Pasolini, Paul Celan, les surréalistes, bien d’autres…Il y a aussi des lieux privilégiés, de Bénarès à Fontaine de Vaucluse en passant par Luang-Prabang, Kyôto, Venise et bien sûr…Séville. Là aussi j’en oublie. En fait dans le passé comme dans le présent, ici comme là-bas, nos deux poètes cherchent l’envol, là où « dans ce très haut de l’espace du dedans rien n’apparaît sans issue ».

 »La basse-cour planétaire regorge de petits coqs génétiquement modifiés, volatiles si bien conçus qu’ils n’auront pas une fois à se servir de leurs ailes ». C’est cette basse-cour qu’ils nous incitent à quitter et pour cela ils nous suggèrent des pistes, nous proposent des attitudes. Ce sont des oies sauvages, ivres de liberté et de voyages, qui passent sur nos enclos et nous appellent. Ce sont des guides, des éclaireurs, des poètes quoi !
Oui mais voilà, ils utilisent des mots. Encore et toujours des mots, soupire la vox-populi. Et celle-ci ne veut plus de mots, elle est gavée de mots, ils n’auraient plus de sens, trop employés pour ruser, séduire, mentir, et de ce fait complètement dévalorisés, surtout les grands, trop souvent ceux que les poètes emploient.

D’où le discrédit de la poésie. Et là ou deux poètes majeurs unissent leurs talents pour un vibrant appel, le pavé dans la mare qui devrait en résulter n’obtient que l’effet d’un caillou dans une flaque…

Cela est désolant, la poésie est certes une attitude existentielle mais elle est aussi faite de mots, la mise en mots permet d’extraire le sel de l’existence. N’importe quel éducateur vous dira que c’est avec des mots que l’on se construit. Les mots et leur agencement, les images qu’ils véhiculent et les musiques que leurs suites ordonnées créent, ouvrent l’horizon des hommes et les mettent en mouvement, les font rêver et les font danser. C’est tout cela qui disparaît avec l’occultation de la poésie que le prosaïque roman ne remplacera jamais (son rôle est autre et c’est la poésie qui accompagne les révolutions individuelles et collectives).
Mais tout n’est pas fini, loin de là, tant que les oies domestiques, qu’hélas nous sommes trop souvent, sentiront leurs cœurs s’étreindre et leurs ailes pousser au passage de leurs sœurs célestes, tant qu’il restera dans l’âme des hommes de quoi « prendre feu », la poésie ne s’éteindra jamais tout à fait. Alors Zéno Bianu, André Velter et autres poètes, continuez de nous offrir de beaux textes comme celui-là, continuez de nous transmettre le feu. Un jour celui-ci reprendra.

Yves Léonard / Top 100 Commentateurs, 28 juin 2013

Il y avait longtemps que Zéno Bianu et André Velter s’étaient promis d’écrire un texte à quatre mains, dans le prolongement des surréalistes. Et longtemps que ces lecteurs boulimiques de poèmes voulaient prendre en enfilade les académismes de toute nature comme les constructions idéologiques du libéralisme triomphant, afin d’ouvrir des champs nouveaux à la création littéraire. Avec Prendre feu, c’est chose faite ! Et bien faite. Car ce livre, que se compose de deux parties, a la force des œuvres qui, après avoir mûri, se sont réalisées un beau jour, comme par hasard, sans effort, parce que les intentions avaient eu le temps de se transformer en élan.
Gérard Noiret / La Quinzaine littéraire, 16-31 juillet 2013

On connaît le tempérament ardent de Bianu et Velter. Ce « monologue à deux » propose un manifeste lyrique pour la poésie et la vie, neuves, libérées de « tous les bords, toutes les cases, toutes les causes ». « La poésie se doit d’être l’écriture embrasée, quintessenciée, insurrectionnelle de la vie. » Capter le « chant », le « tempo du vivant », ne jamais lâcher « la proie du vivant pour l’ombre du concept », et dénier « l’ordre marchand et ses déclinaisons médiatiques, idéologiques ou culturelles ». On ne peut que saluer l’énergie de l’effort pour sortir la poésie de l’angle mort, soulever la fatigue et la désespérance contemporaines, et viser la «vraie vie», celle des «éveillés», nombreux à être cités dans ces pages. Dans la seconde moitié du livre, des poèmes illustrent ce programme qui n’est pas exaltation juvénile mais espoir maintenu fou : une poésie-vie, grand feu de liberté.
Antoine Émaz / Cahier critique de poésie, juillet 2014

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