André VELTER

Loin de nos bases

Avec une Adresse de François Cheng
Gallimard, 2016

Il aura fallu la redécouverte du site de Tao Yu, le petit temple dans lequel Saint John Perse dit avoir composé son Anabase, pour que je reprenne d’instinct, et d’un seul élan d’écriture, la route qui avait été mienne par les déserts de Haute Asie, jusqu’à cette colline si proche de Pékin, jadis à une journée de cheval de la Cité Interdite, mais que l’on rejoint aujourd’hui après franchissements successifs de six périphériques.

PARCOURS CRITIQUE

Longtemps, André Velter a demandé à la poussière d’insuffler la poésie des lisières imprenables. Loin de nos bases est sa propre Anabase, moins chinoise que le poème composé par Saint John Perse en 1924 dans un temple du nord de Pékin. Velter livre une confession, avec le monde pour confessionnal. «À nous deux l’infini!» dit-il au seuil de sa géographie. Mais ce n’est pas le cri d’un Rastignac. C’est le cri de ralliement du poète aventuré dans l’ «éphémère», avec «la vie aux trousses», le mantra d’un fol en marche désireux d’ «enfiévrer le réel» en ne dissociant jamais le mouvement de l’inspiration. Chez Velter, le verbe jaillit au pas de la caravane.
Loin de nos bases est un salut à tous les coureurs d’aventure. Pour Saint John Perse, les nomades de la vie libre étaient des «trouveurs de raison de s’en aller ailleurs». Pour Velter ce sont «les seuls qui vont étant revenus de tout». Ils sont quelques-uns les poètes, à s’avancer ainsi, dans la «sédition sans partage», sur «cette terre qui n’était d’aucun planisphère», allant sans aucun «compte à rendre».

Sylvain Tesson / Le Point

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