Le Tao du Toreo
Édition bilingue, traduction espagnole de Vivian Lofiego
Actes Sud, 2014
Il est des dates qui s’affranchissent des années et des siècles. Personne n’oublie que les privilèges furent abolis la nuit d’une 4 août, qu’il veut un coup d’Etat un 18 brumaire et un appel un 18 juin. Désormais, sublimant toutes les tours écroulées, l’éphéméride retient que septembre a trouvé son jour de haute mémoire le 16, entre 11h 30 et 14 h 02, dans les arènes de Nîmes. A qui donc faudrait-il rappeler ce qui s’est accompli en ce lieu. par fort soleil et mystère avéré ? José Tomas seul face à six toros appartenait continûment et de droit décidément divin, à la seule mythologie qui vaille : celle qui sait enchanter un réel en expansion constante. L’indicible, à ce point calligraphié sur le sable, ne peut être effacé des registres du temps. Alors, ce Tao du Toreo, dont le sous-titre pourrait être : de la tauromachie considérée comme un nouvel art martial. Une suite de poèmes brefs qui, à la manière des séquences du recueil de Lao Tseu, évoquent ce qui s’est risqué là, avec dans un meme mouvement les dessins qu’Ernest Pignon-Ernest a consacré au Maestro de Galapagar.
PARCOURS CRITIQUE
Ça s’appelle Le Tao du Toreo, ça pourrait aussi bien s’intituler Le matin où le ciel nous est tombé sur la tête. Quel matin ? Celui du solo nîmois de José Tomas du 16 septembre 2012. André Velter avec des poèmes, Ernest Pignon-Ernest avec des dessins, célèbrent dans ce livre cet homme et ce moment, les deux inoubliables.
Jacques Durand / La page taurine, 4 septembre 2014
Le verbe est aussi efficace et léché que les faenas qui ont été offertes ce jour-là. Les dessins, en noir et blanc, contribuent à entretenir le mystère. Celui d’un chemin… unique !
Julie Zaoui / La Provence, 21 septembre 2014
Il a donc fallu que ce 16 septembre ait lieu pour que tout s’accorde, il a fallu l’incroyable pour voir le croyable. André Velter et Ernest Pignon-Ernest s’accordent à cet instant suspendu, cet enchantement, ce bouleversement, cette immobilité rêvée, cette voie royale, devenus une évidence. Évidence du mouvement de poignet du dessinateur, comme l’est celui de José Tomas, évidence de la cadence des phrases d’André Velter, comme le sont les naturelles du torero de Galapagar.
Une force fondamentale coulait dans les veines du torero ce dimanche matin, une éthique unique, une part très chinoise et très ancienne qui en fait un être à part. Torero certes, mais à des années lumières de ce qui se montre ici et ailleurs dans les arènes, une attention sacrée au moindre mouvement, au moindre geste, un art martial, une beauté unique qui conduit à l’éternité et au chavirement du poète et du dessinateur.
Philippe Chauché / La Cause Littéraire, 25 septembre 2014
Dans l’exercice de son art le toréador joue sa vie. Dans la pratique de la poésie, l’espèce humaine joue la chance de se perpétuer en tant que telle. Le parallèle s’impose tout au long du livre. Les encres d’Ernest Pignon-Ernest, en pleines pages, et les devises qu’elles portent le soutiennent. Elles sont une part importante d’un volume remarquablement bien présenté.
Françoise Hàn / Les Lettres françaises, septembre 2014
J’aime voir le livre se terminer sur une leçon pour ce qu’il en est de nous dans un mone qui « roule sa norme et son ennui / avec le rejet par principe de tout ce qui subjugue / de tout ce qui exalte ». Avec ce Tao du Toreo se trouve réhabilité ce qui apparaît, ce qui est dit, cet aplomb qu’il y a à tenir, cette « parole qui engage », comme doit l’être ce qui est écrit « quand les mots ont présence d’os et d’âme », quand c’est le cœur qu’ils visent et atteignent « sous l’emprise de la vraie vie, / parce que la vie c’est pas assez » et que la poésie doit être « un feu de voix » voué à tous les vents du vivant, à ses énergies, ses vertiges, ses surgissements de printemps !
Alain Freixe / Revue Europe, mars 2015