Les Bazars de Kaboul
Anne-Marie Métailié, 1986
Le travail qu’effectuent les Goudiparonbâz ne tient en effet qu’à un fil. Avec eux, il n’y a pas de tâches pesantes. Leur nom, littéralement, signifie » joueur de poupée du vent « . Mais comment admettre qu’il s’agisse d’un métier ? Comment imaginer qu’un gaillard de 40 ans, dans la force de l’âge, ait pour unique justification sociale de courir le nez en l’air ? Et pourtant, cela est : le réel enfin submergé par la chance, voici l’emploi ludique par excellence, celui qui allie la patience et la vitesse, le secret, le doigté, la tactique, l’effort, la beauté et la bourrasque… Artisan du bois, du papier, de la colle, le Goudiparonbâz prépare aussi la ficelle, avant de guider son esquif à contre-ciel et de parier sur sa virtuosité. Khalifa Abdul Rab énumère ces phases successives, jusqu’à l’envol. » La confection des cerfs-volants se réalise au domicile de chacun, souvent dans la cour de la maison. Si la taille des engins diffère, la forme en losange, avec nageoires arrières, demeure identique. Le savoir-faire départage. Mais le plus important, c’est le fil. Son apprêt nécessite les plus grands soins et occupe beaucoup de temps. Un joueur réputé comme Dîn Mahmat concentrait toute son attention là-dessus. Il réduisait soigneusement le verre en poussière, l’écrasant d’abord avec un moulin à main, puis le pressait entre deux pierres lisses. Car, plus le verre est pilé fin, meilleur est le fil. «