Ernest Pignon-Ernest

André VELTER

Ernest Pignon-Ernest

Édition revue et augmentée
Gallimard, 2022

Du plateau d’Albion à Certaldo, de Charleville à Paris, de Naples à Alger, de Nice à Soweto, du Chili à la Palestine… Ernest Pignon-Ernest change les rues du monde en oeuvres d’art éphémère. Certaines de ses images, notamment les fusillés de la Commune et son Rimbaud vagabond, reproduites à des centaines de milliers d’exemplaires, sont devenues de véritables icônes des temps modernes. Précurseur, dès 1966, de ce que l’on nomme désormais le « street art », ses interventions métamorphosent, perturbent, révèlent les lieux et les événements qu’il a précisément choisis. Inscrits de nuit dans des contextes pour lesquels ils ont été conçus, ses dessins s’apparentent à des fictions surgissant par effraction dans le champ du réel et qui en bouleversent autant l’appréhension que les perspectives et les habitudes. Car il s’agit d’actions qui excèdent la simple exposition en extérieur, qui entendent susciter ou ressusciter, à la manière d’un poète voire d’un anthropologue, tout un jeu de relations complexes, enfouies, oubliées, parfois censurées. « Je ne fais pas des oeuvres en situation, dit Ernest Pignon-Ernest, j’essaie de faire oeuvre des situations. » Cette monographie retrace ainsi l’ensemble d’un parcours d’exception, sensible, sensuel et alerté, avec une attention particulière portée aux réalisations les plus récentes. Elle témoigne d’une création qui exalte la mémoire, les mythes, les révoltes, les personnalités hors norme. Une création toujours en prise sur le qui-vive.

PARCOURS CRITIQUE

Cet art qui consiste en somme à trouver le lieu et la formule, qui dialogue avec les œuvres de Caravage, de Rubens, d’Ingres, de Munch, une nouvelle édition augmentée de la monographie parue initialement en 2014, nous donne l’occasion de le (re)découvrir sous tous ses aspects, documents préparatoires, études, esquisses, photographies prises in situ. Elle est le fruit de la complicité et de la consanguinité d’esprit qui lient Ernest Pignon-Ernest et André Velter (dont le compagnonnage se traduit par une vingtaine de collaborations). À travers le texte qu’il consacre à chacune des interventions de l’artiste, ce dernier redonne vie à ce qui fut éphémère, à cet art où la part du périssable, la disparition progressive et programmée de l’image est un des éléments constitutifs de l’œuvre.
Richard Blin / Le Matricule des Anges, juillet-août 2022

Comparable à aucune autre, l’œuvre d’Ernest Pignon-Ernest, qui conjugue l’anachronisme comme elle lève l’indignation politique et convoque l’éternité de la spiritualité et fait le choix de l’éphémère, accompagne « cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge » évoqué par Baudelaire parce qu’elle est, comme celles des peintres qu’énumère son poème Les Phares, « le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité ».
Pascal Bonafoux / Art Absolument, juillet-septembre 2022

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