Décale-Moi L'Horaire

Toi alors

par Jean SCHWARZ, Benoît CHARVET & André VELTER | Décale-moi l'horaire

Les chansons parlées sont des chansons à dire avec une voix qui sans chanter accède au chant.
La musique donne le tempo et l’espace.

André VELTER

Décale-moi l’horaire

Musiques originales Jean Schwarz & Benoît Charvet
Éditions epm

Tant de souffle qui tangue
Après «les voix volées» et «les mélodies sèches» du Grand Passage. Les guitares saturées de Ça cavale. Les accords-blues de L’Arbre-Seul plaqués par «le crooner des amours mortes ». Après les rythmes chahutés par Chet Baker, « le feu vide où ça chante» et les «chevilles folles » de La vie en dansant, le phrasé singulier et swingué de ces chansons parlées s’élève comme sur la lancée. Il y a de l’insolée saudade, du poème poing levé et de la vie en douce dans cette voix solitaire qui, à la manière de Leonard Cohen, parle sans déchanter.
« Je fais tourner le globe et garde la tête chaude » écrivait le poète des Planisphères. Dans Décale-moi l’horaire, c’en est fait de l’alexandrin rimé. Le parolier n’a pas déserté les marges du monde ou les replis du temps mais changé de tempo. Les mots ne se disent plus au feeling sur la vague des musiques. Mais viennent en résonance. S’emparent des sons pour achever la partition.
Ainsi quatorze titres sont nés « d’un air de sax » ou des échos d’une fanfare, sortis des notes sombres d’un clavier ou d’une envoûtante valse composés par Jean Schwarz. Textes assurément décalés en ces temps de paroles maigres. Chansons en partance réchappées du destin. Avec clins d’oeil shakespeariens, refrains shivaïtes et « désirs jetés aux étoiles» à l’ombre des guinguettes.
En avion, entre Paris et Montréal, André Velter avait déjà noté : « Ce que je cherche ? Couper les ponts, échapper à ce qui lie et relie, sortir définitivement du cadre sans déserter la vie». Tentation forte qui s’incarne aujourd’hui dans cet album inclassable. Avec en plage 4, la trop courte minute trente d’un insolite slow de l’automne. Et en plage 14, l’exaltante litanie de derviche, intitulée Quel royaume, que l’on ne peut s’empêcher d’écouter en boucle.
Tel est ce disque qui se joue des fuseaux horaires. Pour enfin remettre les pendules à l’heure.

Sophie NAULEAU

Extrait de Décale-moi l’horaire
Bibliothèque de Tours, 17 mars 2007 – Réalisation Nicolas Fougerousse

DiscographieDécale-moi l’horaire